Le voyage se poursuit tranquillement au travers du détroit de Cook. Périple de 3 heures à bord d'un gros ferry reliant Wellington à Picton. On m'avait vendu une mer déchainée, des vents violents, des baleines et des dauphins. Finalement la mer était calme, une petite brise rendait le soleil supportable et à défaut de voir des mammifères marins j'ai regardé la télé dans le bar.
L'arrivée dans l'East Bay en longeant les côtes d'Arapawa island est cependant assez spectaculaire.
L'eau est excessivement bleue, les arbres excessivement verts, des tas d'oiseaux passent au dessus de nos têtes. On se croirait dans une carte postale géante. Quelques pêcheurs ont construit leur maison sur les rives bien qu'il n'y ait aucune route aux alentours. La plupart ne se déplacent qu'en bateau, certains ont leur télésiège privé pour remonter les collines.
A l'arrivée, je partage une navette avec un vieil autrichien d'environ 70 ans qui voyage seul et enchaîne les randonnées. Je l'avais déjà aperçu au Tongariro National Park (Mordor), nous discutons un peu, il habite L.A. depuis 20 ans. Je me demande si ce n'est pas le père de Schwarzy.
Arrivé à Nelson, je marche sur la plage et trempe les pieds dans la mer de Tasmanie en assumant pleinement ma dégaine de touriste. Des français font du kitesurf, je leur parle en allemand "Gut Kreïst ust ust !"
Marre de croiser des touristes et d'écouter la meuf du GPS, je sors de la route censée m'amener sur la côte ouest et part me perdre dans la nature. Le soleil se couche, plus aucun signe de vie, je décide de m'arrêter au hasard dans un bled paumé au milieu de nul part, Tapawara. Je suis accueilli par un kiwi qui sent bon le terroir. Il me file sa plus belle chambre à un prix dérisoire. Je capte 2 chaînes de télé, il y a 11 araignées et 4 moustiques dans la chambre, pour manger j'ai le choix entre le pub et le pub (le seul autre bâtiment du village avec le supermarché / station service).
En chemin, le soleil inonde le pré voisin d'une luminosité fabuleuse comme on a rarement l'occasion d'en voir. Me revoilà transporté dans la Comté. Je remarque qu'il y a aussi un musé dans une cabane en bois (???). Je m'installe dans le pub avec 2 routiers. Le patron affalé devant la télé se lève péniblement pour me servir une pinte avant de retourner s'assoir. J'ai vraiment le sentiment d'être au bout du monde. Je mange un steak et rentre.
Le lendemain sur la route, je m'arrête voir une colonie de phoques. En revenant sur le parking, je trouve un weka menant une lutte sans merci contre le pneu de ma voiture. Je veux en adopter un. Je remarque que je suis à 16 376 km de chez moi.
Je descends la côte ouest balayée par un vent violent. Ce côté de l'île est arrosé en permanence et la végétation y est luxuriante malgré la très basse latitude.
A chaque fois que je m'arrête sur le bord de la route pour admirer le paysage, un weka vient me voir. Cet oiseau incapable de voler, qui n'existe principalement que sur l'île du sud de la Nouvelle Zélande n'a eu aucun prédateur terrestre pendant des milliers (millions?) d'années (jusqu'à l'arrivée de l'homme quoi) et n'a peur que de ce qui vole (principalement les faucons). De fait, il s'approche par curiosité de tout ce qu'il rencontre, que ce soit un homme, un chien affamé, une voiture roulant à 100km/h.
Autant de connerie dans un animal si étrange le rend particulièrement touchant. J'ai de plus en plus envie d'en ramener un à la maison.
J'arrive à Punakaiki et ses étranges Pancake Rocks, une formation géologique inexpliquée assez remarquable. On y trouve également des Blow Holes, geysers créés par les courants marins.
Je discute avec un allemand fan du seigneur des anneaux qui fait exactement le même trajet que moi mais en sens inverse. Nous discutons de ce que nous avons vu et de ce qu'il nous reste à voir. Le soleil se couche, je décide de traverser la forêt pour aller sur la plage.
La taille des arbres ici est hallucinante, je n'ose imaginer quels âges ils peuvent avoir.
Le lendemain je continue jusqu'au glacier de Franz Josef, l'un des très rares glaciers au monde à descendre quasiment jusqu'au niveau de la mer. Les chutes d'eau sont nombreuses et vertigineuses. C'est là que certaines scènes de King Kong ont été tournées.
Malgré sa très basse altitude et le retrait général des glaciers causé par le réchauffement climatique, celui-ci grandit chaque année, confirmant que dans ce pays, la nature fait plus ou moins ce qu'elle veut. C'est ici également qu'a été tourné le premier allumage des feux de détresse dans Le retour du roi.
La météo se dégrade, j'abandonne l'idée d'escalader le glacier et continue vers le sud en direction des montagnes.