Bonjour c’est moi, Orson Welles (ça faisait longtemps) et j’ai une question à vous poser.
Ne dit-on pas que le cadre du travail est important pour le travailleur ? (indice : oui, on le dit).
Pourtant, depuis maintenant 3 ans que je vis à proximité du Ministère des Finances à Paris (j’aime la France), ce monolithe immaculé qui déborde sur la Seine près du pont de Tolbiac, je ne peux qu’éprouver une certaine empathie à l’égard des courageux fonctionnaires qui y pointent chaque matin tant l’édifice est déprimant. A tel point que je rajoute annuellement un « petit extra » sur ma déclaration de revenus pour dédommager l’employé qui s’occupe assidument de ma feuille d’impôt. Passer ses journées dans ce cube de béton titanesque ne doit pas être une sinécure (d’autant qu’il parait qu’à l’intérieur, les 20 dernières minutes de 2001 l’Odyssée de l’espace tournent en boucle sur des écrans géants).
Cela dit, il est évident que cette imposante et détestable architecture d’inspiration soviétique a un but évident. Elle renvoie un message de sérieux et d’infaillibilité aux contribuables toujours si méfiants. Elle est représentative de la droiture, de l’efficacité et du souci de l’économie. Ici on ne gaspille pas vos deniers messieurs dames, on fait de la compta, on établie des budgets, des bilans, des tableaux Excel, on ne déconne pas avec l’argent (bordel !) et on ne fait pas dans la fioriture.
1 : Petit muré séparant le badaud de passage du fossé de protection
qui lui-même sert de rempart aux éventuelles armées Wisigoths venues
piller l’or des français.
2 : Mur épais pourvu de quelques meurtrières en hauteur où les employés
de la fonction publique peuvent défendre avec leurs arbalètes le bien
commun des armées Wisigoth venues piller l’or des français.
3 : Baie vitrée permettant une excellente vigie (en cas d’invasion
d’armées Wisigoth venues piller l’or des français) mais masquant les
activités hautement confidentielles du Ministériat. La discrétion est
importante quand on s’occupe de trésorerie.
Un dimanche ensoleillé, je me suis dit que cette administration d’Etat méritait un peu d’encouragement et c’est muni d’une grande banderole emprunte de messages d’admiration que je me suis approché du fameux bunker afin de manifester mon soutient pour le centre des impôts et ses employés dévoués qui travaillent même le dimanche, j’en suis persuadé.
Et là… alors que des larmes d’admiration mêlée de compassion ruisselaient à torrent sur mon visage, ce fut le soulagement...
Loin d’une abîme sans fond ou d’une douve marécageuse et nauséabonde protégeant la forteresse ministérielle, j’ai vu ce que peu de gens ont eu l’opportunité de voir (certainement à cause d’un trop grand respect qui impose la distance) ce qui entoure réellement le bâtiment : de magnifiques jardins décorés avec goût et habités de splendides statues et fontaines ornant le ministère d’une verdoyante parure.
1 : Carré de verdure car le végétal c’est important dans un espace de travail sérieux.
2 : Statues de bronze représentant des gens tout nus, symboles de liberté, de communion avec la nature, et de pureté originelle.
3 : Petits jets d’eau complètement feng shui qui apaisent l’âme, car l’eau… c’est la vie.
On pourrait se demander pourquoi ces jolis jardins financés par l’argent publique sont cachés des citoyens et seulement réservés à la vue des employés du Ministère. La réponse est évidente, il ne s’agit pas d’avarice ou d’égoïsme, mais de respect.
Que penseraient les contribuables moyens s’ils s’apercevaient que leurs impôts financent des jardins ostentatoires et privatifs alors même qu’ils galèrent pour payer le crédit de la chambre de bonne du bien immobilier qu’ils ont acquis voici 5 ans ? (plus que 20 ans à tenir, courage !)
Oui voilà, ça s’appelle du respect. Alors je le dis… respect.